Femmes en agences: encore loin de l’égalité
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Même si elle ne portait pas encore le nom qu’on lui connaît aujourd’hui, la toute première Journée internationale des femmes a été célébrée le 28 février 1909 aux États-Unis pour donner un élan aux luttes féministes menées en Europe et en Amérique du Nord principalement. C’est seulement en 1977 que les Nations unies ont officialisé cette journée en invitant tous les pays du monde à en faire autant.
Des enjeux différents, mais pas moins importants 30 ans plus tard
Il y a près de 30 ans, Françoise Giroud disait dans une entrevue au journal Le Monde:
« La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, dans un poste important, on désignerait une femme incompétente. »
Lorsque j’ai partagé cette phrase à mes collègues sur l’heure du dîner, j’avoue que mes jambes tremblaient un peu sous la table. Je pensais arriver avec une brique. Mais ce n’était pas du tout le cas finalement. Tout le monde s’entendait pour dire que cette phrase était très puissante… et encore, malheureusement, si vraie. En 2020, cette journée qu’on consacre pour célébrer les acquis du droit des femmes et à tout ce qu’on peut faire de mieux pour les aider à se sentir égales à leurs homologues masculins demeure toujours aussi importante.
Rappelons que selon le rapport annuel Global Gender Gap 2017 du Forum économique mondial, la parité hommes-femmes devrait être atteinte dans 216 ans si on garde le même rythme.
C’est entre autres pour cette raison que les mouvements d’empowerment féminin sont de plus en plus nombreux à travers le monde, comme au Québec.
Qu’on se dise féministe, allié.e, progressiste ou rien du tout, on ne peut nier le fait que la discrimination basée sur le sexe est encore bien présente.
Le milieu des agences n’en fait pas exception. En voici la preuve.
Beaucoup de femmes, mais pas en direction de création
« En création, tu veux avoir le plus de monde possible autour de la table si tu veux valoriser la diversité des idées. Avoir juste des hommes, ça fait converger les idées dans un même sens et ça ne rend pas service à la créativité. »
En 2012, alors que le mouvement 3 % donnait sa toute première conférence à San Francisco, seulement 3 % des postes en direction de création en Amérique du Nord étaient occupés par des femmes. En 2017, le pourcentage est passé à 11 %, ce qui est encore très loin du 50 % qu’on souhaite atteindre si on suit le principe de la parité hommes-femmes.
« Il faut s’ouvrir la gueule. Ce n’est pas aux autres, mais bien à nous de foncer. Il ne faut pas attendre après personne d’autre. »
Lorsque j’ai demandé à celle qui a cumulé pas mal d’expérience dans de nombreuses agences du Québec telles que Publicis, Bleublancrouge, Sid Lee, TAXI et Cossette ce qu’elle donnerait comme conseil à la relève féminine en agence, elle n’a pas hésité à répondre que celle-ci se devait de prendre sa place… parce qu’elle a elle-même déjà eu l’impression d’être victime de discrimination parce qu’elle parlait moins fort que ses collègues masculins. Et elle n’est pas la seule.
Des softs skills qui jouent pour et contre les femmes
Les softs skills, qu’on appelle parfois les compétences douces, sont indispensables à toute entreprise. Encore plus dans certains rôles clés. Comme ceux dans les équipes de service-conseil.
« On dit souvent que les femmes occupent des postes en service-conseil parce qu’elles sont plus organisées que les hommes. Personnellement, je crois que c’est plus facile pour une femme d’entrer par ce département et de monter les échelons à cause de ses soft skills. Mais le service-conseil n’est pas moins important que l’équipe de création… il est fondamental à toute agence qui souhaite se démarquer. »
Une étude économique sur l’industrie de la communication marketing au Québec de 2015, qui avait été publiée par l’A2C, révélait d’ailleurs que les services-conseils des agences québécoises comptent une proportion de 83,5 % de femmes alors que la direction générale des agences, elle, est constituée à 77,4 % d’hommes. Et lorsque Maïté Belmir a passé à travers le bottin des 67 agences membres de l’A2C pour rédiger son article en 2018, elle a constaté que seulement 13 des 67 agences avaient une femme à la tête de l’entreprise. Ce qui est très peu.
Aucune corrélation n’est exacte, mais plusieurs petites choses peuvent expliquer cette maigre proportion. À commencer par la difficulté qu’ont la plupart des femmes à se faire entendre au sein d’un grand groupe. Un peu comme si elles s’autocensuraient.
« Être une femme autour d’une table d’hommes, ça peut parfois faire en sorte qu’on n’ose pas se prononcer. »
… même lorsque vient le temps de postuler pour un emploi
Si on réfléchit avant de se prononcer dans une réunion d’équipe, Julie nous explique que c’est la même chose lorsque vient le temps de répondre à une offre d’emploi.
Le Harvard Business Review s’est d’ailleurs intéressé à la question en publiant un article où la journaliste essayait de comprendre pourquoi les hommes se sentent assez confiants pour appliquer sur une offre d’emploi lorsqu’ils atteignent 60 % des qualificatifs demandés par l’emploi alors que les femmes attendent plutôt d’avoir 100 % des exigences demandées.
Les raisons pour lesquelles les femmes sont plus conservatrices que les hommes sont nombreuses et les corrélations, inexactes. Chez Republik, on s’entend pour dire que c’est une somme de plusieurs petites choses qui fait que les femmes ont tendance à avoir plus de difficulté à prendre leur place.
« On raconte aux petites filles des histoires de princesses en détresse et aux garçons, des histoires de superhéros. En soi, ce n’est pas grave. Mais quand on additionne plusieurs petits éléments ensemble, c’est là que ça devient problématique. »
Comment fait-on pour provoquer le changement?
Ça, c’est la question qu’on se pose depuis longtemps et qu’on va continuer à se poser… parce qu’elle est plus que nécessaire. Le monde des agences a encore beaucoup de chemin à faire, mais il serait faux de penser qu’aucun effort n’est déployé au quotidien, tant avec les regroupements de femmes qui émergent, mais également les politiques de parité qui sont de plus en plus nombreuses en entreprise. Même chose du côté des quotas qu’on impose aux conseils administratifs.
Mais tout cela est plus grand que le principe de la parité. Il faut parfois forcer les choses pour arriver à les faire avancer. Comme se dire qu’à compétences égales, on priorise la candidature d’une femme à celle d’un homme.
« On a besoin d’espace pour donner cette chance-là aux femmes. Pis c’est vrai pour les femmes, mais aussi pour toutes les autres minorités. Il faut donner cette chance-là au monde, sinon on l’aura jamais. »
Merci à mes collègues féminines pour leur temps, leur support et ce qu’elles dégagent au quotidien.
Merci à mes patrons qui acceptent qu’on publie cet article.
Merci à mes collègues masculins de nous avoir écoutées et surtout comprises.
Merci à Sonya Bacon de continuer d’être un modèle pour moi.
Merci à toutes les femmes du milieu, celles que j’ai rencontrées et celles que je continue de découvrir.
Des ressources pour aider les femmes à prendre plus de place
À plus grande échelle, merci à tous ces groupes qui travaillent fort pour que les femmes osent prendre leur place en restant elles-mêmes. En voici quelques-uns:
Femmes en créa;
La bourse Madeleine Saint-Jacques;
L’effet A;
Les femmes tournent;
Free the work;
La Fédération des femmes du Québec;
Le 3 % Movement;
Le Réseau des Femmes d’affaires du Québec (RFAQ).