L’achat local : un levier stratégique pour notre économie

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« La crise actuelle invite à se poser les bonnes questions par rapport aux entreprises que nous voulons encourager et à reconnaître l’achat local comme un levier important au soutien de notre économie. »
L’argent dépensé localement ne fait pas que disparaître dans les coffres d’une entreprise – il continue de circuler dans notre économie. Les entreprises d’ici l’utilisent pour payer leurs fournisseurs et employé.e.s québécois.e.s, qui à leur tour le dépensent dans d’autres commerces locaux, créant un effet boule de neige positif.
Une étude récente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI)[1] le confirme : chaque dollar dépensé dans une PME (petite ou moyenne entreprise) canadienne redistribue 0,66 $ dans l’économie locale, contre seulement 0,11 $ lorsqu’il est dépensé dans une multinationale. La différence est significative et démontre l’importance de nos choix de consommation pour la vitalité économique de nos communautés.
Investir dans ce qui est fait ici est un moyen efficace de soutenir notre communauté, et ce, à tout moment. Mais comment l’intégrer dans nos emplettes quotidiennes? Avec ce questionnement en tête, il y a certainement lieu de définir, voire d’élargir, les paramètres à considérer lors de nos décisions d’achat.
Qu’est-ce que l’achat local?
Quand on pense achat local, on se tourne plus naturellement vers nos artisan.e.s et petits détaillants de quartier. Mais soyons également conscientisé.e.s à la contribution des grandes marques de chez nous. L’un n’exclut pas l’autre, et, en nous informant davantage, nous avons le pouvoir de créer notre richesse et d’atténuer les dommages.
Acheter local, c’est acheter des entreprises d’ici. Des petites et des grandes. Acheter local, c’est aussi faire travailler des gens d’ici. C’est protéger des emplois et des familles.
Il faut souligner que l’achat local n’est pas toujours synonyme d’économie durable. Les aspects sociaux et environnementaux liés à l’économie durable sont complexes et non exclusifs à l’achat local, bien qu’ils s’y prêtent souvent. Inversement, les achats « délocalisés » ne sont pas nécessairement « non durables ».
Il ne s’agit pas de déprécier les nombreuses marques étrangères socio et/ou écoresponsables (plusieurs sont dignes de mention!), mais plutôt de valoriser celles qui sont près de nous.
Ci-bas, 3 questions à se poser pour savoir si un achat est local ou non ainsi que 4 séries d’exemples pour les industries de la restauration, de l’alimentation, des achats en ligne et du plein air.
[1] source: https://www.cfib-fcei.ca/fr/medias/chaque-dollar-depense-dans-une-petite-entreprise-permet-de-garder-066-dans-leconomie-locale-comparativement-a-011-dans-une-multinationale
Trois considérations pour savoir si votre achat est local
1 – Où se situe le siège social de l’entreprise?
C’est-à-dire, cette entreprise génère-t-elle des emplois dans ma région, ma province ou mon pays? Toute entreprise qui vend ses produits au Canada crée forcément des emplois en service à la clientèle. Mais crée-t-elle des emplois à valeur ajoutée? Tout dépendant des industries, ces emplois comprennent souvent les activités administratives, la conception et l’innovation, l’emballage, l’entreposage et la livraison.
2 – Où sont transformés, fabriqués ou assemblés ces produits?
C’est-à-dire, est-ce que ces entreprises mobilisent notre force de travail, à l’un ou l’autre des niveaux de transformation? Plus il y a d’étapes de la chaîne de valeur qui se situent au Québec ou au Canada, plus cette entreprise est dite locale.
3 – D’où proviennent les matières premières utilisées pour la confection de ce produit?
Pour ce qui est de la nourriture, lorsqu’un aliment porte la certification « Aliments du Québec », c’est qu’un minimum de 85 % de ses ingrédients sont d’origine québécoise, et que tous ses ingrédients principaux proviennent du Québec. Pour ce qui est fabriqué ailleurs, il existe quand même des manières de s’assurer que certains standards environnementaux et sociaux soient respectés dans la production, comme d’identifier le label Fairtrade. Malheureusement, c’est souvent dans cette catégorie que l’on observe un point de rupture pour les puristes de l’achat local.
Mettons en pratique ces questions avec des exemples concrets
Prenons quelques exemples du quotidien et appliquons les trois considérations de base aux industries de la restauration, de l’alimentation, du commerce en ligne et du plein air.
Scénario #1 – L’industrie de la restauration: pour quelle chaîne de restaurants opter?
Congé de boîte à lunch. Vous souhaitez commander un lunch à emporter et hésitez entre Subway, St-Hubert et Starbucks.
St-Hubert : il s’agit d’une entreprise canadienne qui opère via un réseau de franchises. Ainsi, la totalité de ses bénéfices est investie localement. Lorsque vous commandez votre quart-cuisse à Saint-Jérôme, c’est non seulement le.la franchisé.e et ses employé.e.s que vous encouragez, mais aussi les producteur.trice.s de poulet, de bœuf, de pain et les cultivateur.trice.s de choux d’ici. Lorsque vous commandez du St-Hubert, vous soutenez sans contredit notre économie locale. Dans la même veine : Copper Branch, Ben & Florentine, Pizzeria 900, Ashton, Mandy’s, Van Houtte.
St-Hubert, c’est oui!
Subway : il s’agit d’une entreprise américaine. Apportons toutefois la nuance qui suit. Il s’agit d’un réseau de franchises où une partie des bénéfices de l’établissement que vous choisissez d’encourager sera ainsi réinvestie dans l’économie locale. Subway fait également un effort au niveau de l’approvisionnement de certains ingrédients (par exemple, pour le bœuf et le jambon 100 % canadiens).
Subway, c’est oui, mais il y a mieux!
Starbucks : il s’agit d’une entreprise américaine qui opère via des établissements corporatifs, et non via un réseau de franchises. Les bénéfices de l’entreprise ne sont donc pas réinvestis localement. L’approvisionnement (par exemple, les œufs) et la transformation (par exemple, la torréfaction du café) sont également majoritairement délocalisés, dans ce cas précis aux États-Unis. De plus, Starbucks se retrouve souvent sous le mauvais angle des projecteurs. Tantôt pour avoir prétendument licencié deux travailleurs ayant tenté de se syndiquer, tantôt pour facturer plus cher pour les substituts du lait, la compagnie est souvent victime de poursuites et de boycottages.
Starbucks, c’est non!
Scénario #2 – L’industrie des biens de consommation: quel jus acheter en épicerie?
Le comptoir réfrigéré où l’on retrouve les jus frais à l’épicerie est bien rempli. Plusieurs marques d’ici, mais beaucoup d’ailleurs, se font compétition. Prenons comme exemples Tropicana, LOOP et Oasis.
LOOP : il s’agit d’une entreprise canadienne (basée à Anjou) qui transforme ses produits au Québec et qui, au surplus, utilise des ingrédients qui étaient autrement condamnés aux ordures. Faire le choix LOOP, c’est non seulement un bon choix local, mais c’est aussi un choix écologique qui limite le gaspillage alimentaire. Dans la même veine : Oatbox, Evive, The Unscented Company, 1642, St-Viateur Bagel, GURU, Laitues Mirabel, toutes les microbrasseries du Québec et Pur Vodka répondent à tous les critères de l’achat local.
LOOP, c’est oui, et c’est difficile à battre!
Oasis : il s’agit d’une entreprise canadienne (Lassonde) qui transforme ses produits à Rougemont, au Québec. Lassonde emploie plusieurs milliers de personnes au Québec et utilise des produits locaux, comme la pomme, à travers sa chaîne d’approvisionnement. Évidemment, comme ses concurrents, les oranges de son jus ne sont pas locales (elles pourraient difficilement l’être). Oasis est un bon exemple de marque qui, même issue d’une grande entreprise, constitue un achat local. Acheter un produit Lassonde, c’est réinjecter ses dollars dans notre économie. Dans la même veine : Bonduelle, Agropur, Chocolats Favoris, Saputo, Olymel, Maison Orphée, Nutrinor et Ménard.
Oasis, c’est oui!
Tropicana : il s’agit d’une entreprise américaine (PepsiCo) qui transforme ses produits aux États-Unis et qui s’approvisionne également en matière première aux États-Unis. Dans le contexte économique actuel, le choix Tropicana nous apparaît difficile à justifier. Dans la même veine : Minute Maid, Pepsi, Coke et FritoLay.
Tropicana, c’est non!
Scénario #3 – L’industrie du commerce en ligne: quelle plateforme choisir?
Vous optez pour la livraison d’un produit à domicile. Le produit, qu’il soit lui-même local ou non, est disponible sur plusieurs plateformes. Pour laquelle opterez-vous?
Amazon : il s’agit d’une entreprise américaine largement utilisée à titre de vitrine pour d’autres entreprises qui distribuent les produits de différents fabricants. Ainsi, pour valider l’aspect local de la transaction, vous allez devoir analyser plusieurs facteurs. Dans bien des cas, si vous cherchez un item précis, un manteau d’hiver par exemple, vous allez réaliser que la localisation du vendeur est souvent difficile à trouver. Vous devrez ensuite investiguer sur l’article lui-même, l’entreprise (la marque), son lieu de fabrication ainsi que la provenance de la matière première utilisée. Les réponses aux trois considérations de base sont difficiles à trouver et souvent insatisfaisantes. De plus, les intérêts économiques de cette multinationale étant éloignés des nôtres, ses décisions peuvent avoir des conséquences économiques négatives sur notre économie, comme en témoigne la suppression d’environ 4 000 emplois après la fermeture d’Amazon au Québec. Dans la même veine : eBay, Walmart.
Amazon, c’est non!
Altitude Sports : il s’agit d’une entreprise canadienne qui entrepose les items disponibles sur son site transactionnel à Montréal. En fonction du produit recherché, vous devrez effectuer les mêmes recherches qu’Amazon, mais assurez-vous cette fois-ci que l’intermédiaire entre vous et le fabricant est canadien et qu’il contribuera à son tour à l’économie d’ici. Pour vous aider à faire une sélection judicieuse, notez que Altitude Sports propose une sélection de marques canadiennes via son filtre « Fabriqué au Canada » disponible dans l’aide à la recherche. Dans la même veine : Etsy Fait au Québec, Bonlook, Rubino, DeSerres et Simons.
Altitude Sports, c’est oui, et profitez-en pour acheter des produits d’ici!
Signé Local : il s’agit d’une entreprise canadienne qui a mis sur pied un répertoire Web regroupant plus de 450 créateur.trice.s offrant des produits conçus, fabriqués et emballés au Québec. Les trois considérations de base sont satisfaites et même dépassées! Dans la même veine : Idée Cadeau Québec, Golf Avenue et LesPAC.
Le site Signé Local, c’est un gros oui!
Scénario #4 – L’industrie du plein air : quelle marque encourager?
Vous souhaitez acheter un vêtement ou un accessoire en ligne. Mais par où commencer?
The North Face : il s’agit d’une entreprise américaine dont le siège social est à Denver, au Colorado. Elle fabrique ses vêtements et ses accessoires un peu partout dans le monde; Chine, Inde, Bangladesh, Vietnam, mais pas au Canada. Somme toute, votre dollar chez The North Face ne fait pas beaucoup de chemin dans notre économie. Dans la même veine : Columbia, Outdoor Research, Patagonia.
The North Face, c’est non!
Chlorophylle : il s’agit d’une entreprise du Saguenay qui conçoit ses vêtements à Chicoutimi et à Montréal, et en fabrique quelques-uns au Québec. En achetant de cette marque, vos dollars font beaucoup de chemin localement, à commencer par son siège social situé à Chicoutimi et ses 13 boutiques à travers le Canada. Lorsque vous achetez de chez Chlorophylle, vous encouragez une entreprise d’ici et vous vous éloignez du fast fashion. Dans la même veine : Kanuk et Orage.
Chlorophylle, c’est oui!
Audvik : il s’agit d’une entreprise canadienne qui fabrique ses vêtements à Montréal à partir de tissus importés. L’entreprise offre en outre plusieurs options faites à partir de matières recyclées. On encourage ainsi le local et l’environnement. Pourquoi pas! Dans la même veine : Quartz, NIL, Gibou, C’est Beau, Tristan, La Petite Garçonne.
Audvik, c’est oui, et commencez par regarder leur collection faite à partir de matériel recyclé!
En conclusion, acheter local c’est surtout s’informer davantage
Les trois considérations de base (localisation de l’entreprise, lieu de fabrication et provenance des matières premières) sauront vous aiguiller vers des choix locaux.
Nous vous encourageons à les garder en tête lors de vos décisions d’achat, tout en vous rappelant que rien n’est parfait et qu’elles devront être jumelées au gros bon sens.
Par exemple, certaines matières premières, comme les oranges et les grains de café, ne se trouvent pas à l’état brut localement. La solution n’est pas d’enrayer la consommation de jus d’orange et de café, mais plutôt de se tourner vers des entreprises qui transforment les produits localement.
Mettre en perspective les alternatives pour prendre des décisions conscientes, c’est déjà un grand pas! La grande majorité de nos produits de consommation, toutes industries confondues, ont une alternative locale. Profitons de cette période pour nous poser les bonnes questions.