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Loi C-59 : Comment adapter votre stratégie marketing pour éviter les allégations trompeuses

Loi C-59 : Comment adapter votre stratégie marketing pour éviter les allégations trompeuses

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Fin juin 2024, le gouvernement du Canada a adopté de nouvelles règles pour lutter contre l’écoblanchiment. En effet, le projet de loi C-59 – intitulé « Loi n° 1 d’exécution du budget de 2023 » – a introduit des dispositions renforçant la réglementation contre les allégations environnementales trompeuses.

Cette législation, entrée en vigueur le 20 juin 2025, vise à protéger les consommateur.trice.s des fausses promesses « vertes » tout en encourageant les entreprises vraiment durables à poursuivre leurs efforts sans être pénalisées par une concurrence déloyale.

Le renversement du fardeau de la preuve

Cette législation transforme fondamentalement la façon dont les entreprises doivent justifier leurs communications environnementales. Auparavant, les autorités devaient démontrer qu’une allégation verte était trompeuse. Désormais, c’est aux entreprises de prouver la véracité de chaque déclaration environnementale dès sa diffusion.

Le renversement du fardeau de la preuve signifie concrètement que toute déclaration environnementale publique doit s’appuyer sur des preuves vérifiables et une méthodologie reconnue internationalement, fondées sur des éléments suffisamment corroboratifs et appropriés.

Cette législation met également fin aux slogans environnementaux approximatifs. Si votre emballage réduit de 30 % l’empreinte carbone, vous ne pouvez plus simplement proclamer que votre entreprise est « désormais écoresponsable » – cette formulation reste trop générale. Il faut préciser : « notre nouvel emballage a réduit de 30 % les émissions de GES de ce produit », avec documentation à l’appui, comme une analyse de cycle de vie.

Les termes vagues comme « vert », « durable », « écoresponsable » ou « 100 % naturel » sans justification tangible représentent désormais des risques juridiques significatifs. Les autorités évaluent vos messages selon l’impression générale qu’un consommateur moyen en retire, ce qui rend toute exagération ou omission particulièrement risquée.

Sanctions financières et nouvelles voies de recours

Les pénalités prévues sont substantielles : jusqu’à 10 millions $ pour une première infraction, 15 millions $ en cas de récidive. Pour les grandes entreprises, le plafond peut atteindre 3 % du chiffre d’affaires global. 

Nouveauté majeure qui multiplie les risques : depuis juin 2025, les poursuites pour marketing trompeur ne sont plus l’apanage exclusif des autorités. Les consommateurs, groupes environnementaux et concurrents peuvent désormais porter plainte directement devant le Tribunal de la concurrence pour écoblanchiment, sans même avoir à prouver qu’ils ont subi un préjudice personnel. Concrètement, une ONG ou un concurrent peut faire sanctionner votre campagne publicitaire trompeuse, ce qui démultiplie la surveillance exercée sur vos communications.

Au-delà des amendes, l’impact réputationnel peut s’avérer tout aussi dommageable. Une majorité de la population canadienne exprime déjà son scepticisme envers les allégations écologiques des entreprises. Une accusation d’écoblanchiment peut compromettre durablement votre crédibilité.

Cinq axes d’adaptation stratégique

  1. Formez vos équipes aux nouvelles exigences. Organisez des sessions de formation sur la Loi C-59 pour tous les collaborateurs impliqués dans vos communications. Vos agences partenaires doivent également être sensibilisées à ces nouvelles obligations réglementaires.

  2. Constituez un dossier documentaire rigoureux. Adoptez le principe suivant : aucune allégation environnementale sans justification archivée. Tests en laboratoire, analyses de cycle de vie, certifications officielles (ISO 14001, B Corp), rapports de spécialistes indépendants. Mettez en place un système documentaire dédié où chaque affirmation dispose de son dossier justificatif.

  3. Privilégiez la précision sur les formulations générales. Remplacez « notre entreprise est durable » par « nous avons réduit de 50 % l’utilisation de plastique vierge dans nos emballages depuis 2019 ». Évitez les superlatifs non quantifiés. Spécifiez systématiquement le périmètre de vos affirmations et assurez-vous de toujours partager la donnée ou le calcul qui vous permet de faire ce genre d’affirmation.

  4. Instaurez un processus de vérification préalable. Créez un comité transversal réunissant marketing, juridique et développement durable qui examine chaque communication avant diffusion. Accordez-lui l’autorité nécessaire pour suspendre une campagne non conforme. L’audit externe par des tiers peut renforcer la crédibilité de vos démarches.

  5. Adoptez une communication transparente sur vos limites. N’hésitez pas à reconnaître les aspects non encore optimisés. « Ce produit contient encore des composés plastiques non recyclés, car aucune alternative viable n’existe actuellement ». Cette transparence valorise vos véritables progrès et évite le piège du green hushing – cette tendance au silence par crainte de sanctions qui gagne certaines entreprises.
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Intégrer la conformité dans la gouvernance

La conformité à la Loi C-59 s’inscrit dans la durée et nécessite une planification structurée. Élaborez un plan annuel de communication sur le développement durable où chaque prise de parole environnementale est anticipée avec sa documentation probante. Cette démarche implique l’engagement de la direction générale : la conformité écologique constitue un enjeu stratégique qui dépasse le seul périmètre marketing.

L’opportunité stratégique

Cette réglementation peut sembler contraignante, mais elle offre un avantage concurrentiel aux entreprises proactives. Dans un contexte de méfiance croissante des consommateurs, la transparence et l’authenticité deviennent des différenciateurs majeurs. Les organisations qui s’adaptent rapidement prendront une avance significative sur leurs concurrents moins réactifs.

La Loi C-59 ne doit pas être perçue uniquement comme une contrainte réglementaire, mais comme l’opportunité de valoriser authentiquement vos initiatives durables. En devenant un communicateur exemplaire, vous contribuez à élever les standards de votre secteur tout en vous prémunissant contre les risques financiers et réputationnels.

L’ère de la communication environnementale approximative est révolue. Place à une approche plus rigoureuse et responsable qui bénéficiera ultimement à votre crédibilité et à celle de l’ensemble de votre industrie.

Sources
Bureau de la concurrence Canada – Lignes directrices sur les allégations environnementales
Bureau de la concurrence Canada – Déclarations environnementales et écoblanchiment
Parlement du Canada – Texte du Projet de Loi C-59