Distinguer le marketing social de l’activisme de marque
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Dans cet article, on examinera de plus près ces deux approches afin d’explorer comment les marques peuvent tirer parti de ces outils pour contribuer de manière positive aux enjeux sociaux, politiques et environnementaux de notre temps.
L’échec de Pepsi
En 2017, Pepsi lance sa nouvelle publicité Pepsi Live for Now, mettant en scène une manifestation pour la paix où des personnes portent des signes génériques de protestation. Kendall Jenner, mannequin de renom, rejoint la manifestation et offre une canette de Pepsi à un policier dans un geste de réconciliation.
Dans les jours qui suivent, l’indignation monte. Des milliers de personnes expriment leur colère sur les réseaux sociaux, critiquant Pepsi d’avoir exploité les mouvements de protestation à des fins commerciales et minimisé les luttes des activistes sociaux et politiques telles que Black Lives Matter et la Marche des femmes à Washington. Les appels au boycottage se multiplient.
Pepsi décide de retirer la publicité et de présenter des excuses publiques pour son manque de respect et de compréhension envers les mouvements de protestation et les problèmes qu’ils soulèvent.
Mais Pepsi n’est qu’un exemple parmi d’autres : plusieurs marques se sont retrouvées face à de féroces critiques publiques en raison de la manière dont leur engagement politique – ou ce qui est perçu comme tel – était interprété par les consommateur.trice.s.
Face à des attentes croissantes en matière d’engagement des marques sur les questions politiques ou sociales, les entreprises ont commencé à prendre de plus en plus position sur les grands enjeux de notre époque. Par exemple, Ben & Jerry’s et le droit à l’avortement, Patagonia et l’environnement, Gilette et la masculinité toxique, Nike et la violence policière envers les personnes noires.
L’adoption de stratégies de marketing qui sensibilisent les consommateur.trice.s et les encouragent à agir sur des enjeux importants nous amène à réfléchir sur la manière dont les marques peuvent avoir un impact positif sur les problèmes de société.
Marketing social : influencer les comportements pour le bien
En 1894, durant une épidémie de choléra dévastatrice, Lever Brothers, qui deviendra plus tard Unilever, lance Lifebuoy, un pain de savon innovant et économique destiné à protéger les communautés contre la maladie. Quelque 114 années plus tard, Lifebuoy introduit la Journée mondiale du lavage des mains, une journée internationale, reconnue par les Nations unies, consacrée à la promotion de l’importance cruciale du lavage des mains au savon pour réduire la propagation des maladies.
Les chiffres sont alarmants : plus de 3,5 millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de diarrhée et d’infections respiratoires aiguës, mais la moitié de ces décès pourraient être évités grâce à un geste simple comme le lavage des mains au savon. Le but de cette journée est donc de modifier le comportement d’un milliard de consommateur.trice.s dans le monde en matière d’hygiène, contribuant ainsi à réduire la mortalité infantile.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, Lifebuoy s’appuie sur des programmes de lavage de mains dans les écoles tels que School of Five et H for Handwashing CEOs, ainsi que sur des campagnes de sensibilisation telles que la série de publicités appelée Help A Child Reach 5.
Grâce à ces initiatives, Lifebuoy réussit à atteindre son objectif et d’augmenter le taux de lavage des mains, entraînant ainsi une diminution significative des maladies liées à l’hygiène.
C’est le marketing social, un concept développé en 1971 par Philip Kotler et Gerald Zaltman dans leur publication Social Marketing: An Approach to Planned Social Change, qui utilise les principes et les outils du marketing commercial pour influencer le comportement d’un public cible dans le but d’améliorer leur vie et atteindre des objectifs de changement social.
Tout comme le marketing traditionnel, le marketing social repose sur un processus de planification rigoureux qui doit inclure les composantes de l’analyse des publics cibles, de l’analyse de contexte, du positionnement, des canaux de distribution, des messages clés, du suivi et de l’évaluation. Il nécessite également une compréhension approfondie du problème social à résoudre et la définition d’objectifs clairs de changement de comportement pour élaborer une stratégie efficace.
Aujourd’hui, le marketing social est utilisé à grande échelle pour encourager des comportements bénéfiques pour la santé, pour réduire les comportements à risque et pour favoriser un changement social positif dans divers domaines tels que la santé, l’environnement et la sécurité routière.
Activisme de marque : changer le système
Le marketing social est caractérisé par une portée très spécifique, tant en ce qui concerne le problème social ciblé que l’audience dont on cherche à influencer le comportement.
Qu’est-ce qu’on fait si on veut aller plus loin qu’une campagne? Qu’est-ce qu’on fait si on veut hausser le niveau de jeu en visant un public plus large et des changements plus profonds dans les normes et les comportements sociaux?
Prenons le racisme aux États-Unis. C’est un enjeu systémique, c’est-à-dire qui se manifeste dans la façon dont les structures, les institutions et les lois de notre société sont régies. Aucune campagne de marketing social ne pourra jamais y trouver solution, car la complexité du problème rend inutile de cibler un comportement précis ou une audience en particulier.
C’est pourquoi Ben & Jerry’s a adopté au fil des années plusieurs initiatives importantes pour sensibiliser le grand public et l’inciter à l’action sur le racisme institutionnalisé.
En 2016, au lendemain de la fusillade de Keith Lamont Scott par un policier de Charlotte, la marque de crème glacée décide de s’aligner pour la première fois sur le mouvement Black Lives Matter et encourage les client.e.s à s’éduquer sur l’enjeu. La marque publie ensuite un article de blogue présentant sept exemples de manifestations du racisme systémique dans la société américaine, allant de l’accès aux soins de santé aux opportunités d’emploi.
En 2020, suite aux manifestations et émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd, alors que d’autres marques se limitent à afficher un carré noir sur leur profil Instagram, Ben & Jerry’s élève le débat avec une déclaration puissante appelant le peuple américain à « démanteler la suprématie blanche » et à « se battre contre les péchés de notre passé ».
La marque ne s’arrête pas à la conscientisation de la société à travers ses articles. Elle met en place plusieurs actions concrètes, comme l’appel au président Trump à engager les États-Unis dans un processus officiel de guérison et de réconciliation, le lancement de la saveur Justice ReMix’d en partenariat avec The Advancement Project, une organisation multiraciale de défense des droits civiques, ou encore l’engagement en faveur du The People’s Response Act (PRA), une proposition de loi proposant une approche de la sécurité publique fondée sur la santé et l’inclusion.
Ben & Jerry’s est un exemple d’entreprise qui pratique l’activisme de marque, c’est-à-dire un engagement soutenu par des actions en faveur d’une question sociale ou politique, parce qu’elle correspond aux valeurs fondamentales ou à la vision du fondateur de l’entreprise.
La marque qui fait de l’activisme ne se limite pas à des déclarations à l’égard de certains problèmes sociaux ou environnementaux. Elle déploie des efforts visant à provoquer une action de la part de son public – avec qui elle partage des valeurs plus qu’une simple relation commerciale – en faveur d’une question sociale, politique ou environnementale. L’objectif est de provoquer des réformes de la société grâce à des actions complémentaires qui stimulent la prise de conscience collective et influencent la décision politique, allant au-delà d’un simple changement de comportement.
Le succès s’explique par l’authenticité et la cohérence de la marque, non seulement grâce aux gestes concrets qu’elle pose, mais aussi parce qu’elle s’appuie sur la crédibilité qu’elle a bâtie à travers une longue expérience de prise de position sur d’autres grandes questions telles que le changement climatique, la réinstallation des réfugiés et les droits des transsexuels.
Se poser les bonnes questions
En conclusion, il est important de souligner que le marketing social et l’activisme de marque sont deux concepts étroitement liés, mais qui présentent également des différences importantes. Bien que l’activisme de marque puisse émerger de manière spontanée et organique, les campagnes de marketing social sont souvent planifiées et structurées. Cependant, ces différences ne s’arrêtent pas là. C’est pour cela que l’on propose ici cinq points distinctifs entre les deux concepts.
Une marque qui souhaite définir son rôle social doit se questionner sur l’enjeu qu’elle veut contribuer à résoudre et le type d’impact qu’elle souhaite avoir, sur la portée de son action et le type de relation qu’elle veut entretenir avec son audience, et se demander enfin si elle a tout ce qu’il faut pour que la démarche soit prise au sérieux et s’avère efficace.
Il n’est pas toujours facile de répondre à ces questions, et les réponses seront différentes pour chaque marque. Mais cela constitue une première étape pour comprendre comment votre marque pourrait s’inscrire dans le contexte plus large des conversations politiques et sociales actuelles.
Chez Republik, nous avons acquis une expertise particulière dans la conception et la mise en œuvre de campagnes de marketing social. Venez nous parler.